Episode 11: Communisme, idées conformes et maisons uniformes 

11 Décembre 2014

"La mère patrie t'appelle !"

Cette fois, je vais tenter de vous expliquer les conséquences du passé communiste de la Russie sur la mentalité et l'héritage des générations actuelles. Plus ou moins évidentes, elles laissent et laisseront encore des traces sur le long terme, car si le temps de l'URSS est terminé, l'on efface pas en un quart de siècle presque 70 ans d'un régime guindé dirigé par des mains de fer, enfin d'acier (depuis un certain monsieur Staline, du russe сталь, soit acier).

Les signes de cette grandeur passée sont dispersés un peu partout, pour la rappeler au peuple et montrer aux jeunes générations que tout n'est pas perdu, quant à ceux qui ont connu un peu de cette période hors-normes, ils sauront s'en rappeler avec nostalgie, la nostalgie d'un temps où tout était plus simple...


ci-contre une des affiches de propagande bien connue de l'époque communiste  "La mère patrie t'appelle !"




L'argent ne fait pas le planteur

Vodka russe "Ecureuil"

Car oui, si depuis notre confort occidental nous avons toujours été abreuvés avec l'idée que la Russie communiste était une période austère et sans pitié, il ne nous viendrait pas à l'idée de penser qu'une partie non négligeable de la population russe regrette qu'elle soit terminée.

Particulièrement les plus anciennes générations qui ne se retrouvent pas dans la société de consommation et pour qui l'abondance du produit représente une grande source d'angoisse.
L'arrivée du capitalisme en Russie a bousculé un système qui, bien qu'ayant ses limites, encourageait les valeurs d'entraide entre proches, voisins, habitants d'un même village...

L'argent ? Ils n'en avaient pas. 

Alors si la récolte de betteraves d'Irina Ivanovna s'était par malchance retrouvée piétinée par une météorite à poils retroussés (ne me dites pas que ça n'est pas possible, vous savez comme moi que c'est déjà arrivé en Russie), elle pouvait compter sur Pavel Grigorievitch pour lui fournir assez de betteraves de sa collection personnelle et lui permettre de faire un bon Borsch pour ses 6 enfants et ceux de Grigorievitch.

Aujourd'hui si I.Ivanovna a oublié d'acheter des betteraves alors elle peut se rendre à Lenta, hypermarché ouvert 24/7 et acheter son borsch déjà préparé, qu'elle n'aura qu'a réchauffer pour ses enfants scotchés à leur tablette. P. Grigorievitch lui, après une dure journée de travail, ira certainement au bar avec ses copains, boire quelques vodkas, pour tenter d'oublier qu'il y a quelque chose qui cloche dans le nouveau monde qu'on lui impose de force.


Raconte moi un bonnet...

La Chèvre fait l'élégante

Mais... certains aspects de la période communiste font partie d'une nostalgie plus douce et comique, et tous les enfants qui y sont nés possèdent les même mémoires, devenues si familières qu'il est exclu d'y attribuer un jugement négatif, même après en avoir compris les causes.

A cause de la pénurie dans les magasins, les enfants russes de l'époque étaient habillés de façon quasi identique car les parents n'achetaient pas ce qu'ils voulaient, mais ce qu'il y avait et donc, quand les vêtements étaient livrés, ils l'étaient en grande quantité et en modèle unique.
Aujourd'hui quand deux personnes du même âge parlent des vêtements qu'elles portaient à cette époque, elles n'ont aucun mal à s'imaginer leurs tenues réciproques puisqu'elles étaient quasi identiques.

L'ironie du destin de la fatalité de l'ironie

L'Ironie du Destin, film soviétique

Il en était d'ailleurs de même pour les logements. De Saint-Pétersbourg à Moscou, de Moscou à Volgograd, de Volgograd à … non je rigole, Volgograd ne fait pas partie de cette frénésie, un problème d'argent et de ville réduite en miette pendant la guerre certainement.
Bref, dans toutes les villes les plus importantes de l'URSS ont été construites par Staline des barres d'immeubles absolument identiques.

Tellement identique qu'un réalisateur russe très connu de l'époque en a fait un téléfilm : L'ironie du Sort, dans lequel un homme ivre prend l'avion à la place de son ami par erreur et ne s'en rendant pas compte indique au taxi son adresse à Moscou, bien qu'il se trouve à Saint-Pétersbourg. Les rues et les appartements étant identiques, il se retrouve chez une inconnue et fiche en l'air son réveillon […] et ils se marièrent et eurent beaucoup d'enfants....

A force de payer pour l'ours, il sort plus des bois... 


La mentalité russe actuelle est donc un mélange improbable des valeurs du passé et d'un présent impalpable car trop vite dépassé.

Pour répondre aux exigences à la fois de la famille et de la modernité, le jeune russe devrait avoir déjà fondé une famille à la fin de ses études tout en ayant une maison et une grosse voiture, un Iphone, un Ipad et un ordinateur.
S'il arrive que celui-ci fasse fortune alors il aura une voiture encore plus grosse, une autre maison avec cette fois une salle de concert intégrée et une forêt privée pour la chasse à l'ours, que cela soit la saison ou non, car les ours ne sont plus menacés d'extinction si l'on corrompt le garde champêtre.    








Carpe Diem c'est bien, mais avec modération  

Pour finir sur une note plus légère, je vais vous initier au Carpe Diem à la russe.
L'art de ne se préoccuper que de la soirée en court et d'en profiter le plus possible, même si demain c'est lundi et que commencer la semaine avec la gueule de bois ça promet. Bah oui, on a qu'une vie et la vodka ça n'attend pas !

Plus sérieusement, entre cette définition très russe de vivre le jour présent et notre définition très européenne qui consiste à penser à tous nos soucis aujourd'hui pour pouvoir y repenser demain, il a de quoi apprendre. Disons que si les russes mettaient moins de vodka et plus de vendredis soirs et nous moins d'angoisse du lendemain, l'on arriverait peut-être à une grande fête internationale sans trop de vomi et avec beaucoup d'enthousiasme et d'énergie. Qui sait ?

C'est en comparant avec les autres que l'on apprend à renouveler sa manière de faire,
mais cela suppose de rentrer un instant dans leur peau pour tenter de se rendre compte de la façon dont ils regardent le monde.
Tout cela en rangeant notre égo dans nos chaussettes pendant quelques instants.
Un avion de passage au dessus de Volgograd

               

 A la semaine prochaine pour une nouvelle chronique et les résultats du sondage, en attendant, retrouvez-nous sur :

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Rangez votre égo... et prenez une grosse dose d'énergie pour affronter l'hiver !