Episode 22: Astrakhan bis
21 juillet 2015
Comme je vous l’avais annoncé dans ma précédente chronique, le destin (ou l’infortune) m’a emmenée une seconde fois à Astrakhan pour une « mission secrète » au service d'enfants russes: leur parler uniquement en anglais pour mobiliser leurs connaissances.
C’est ainsi que j’arrivais la tête pleine d’idées et d’inspiration et ma motivation en poche, après 7 heures de marchroutka (oui oui, l’enfer est partout), au lieu de 8 heures (mais quelques fois il renonce) à la gare d’Astrakhan. Cela dit, comme j'étais en avance et que personne n’aurait pu prévoir une chose pareille, j'ai été condamnée à attendre au centre commercial voisin, la directrice de l’école, devant venir me chercher.
Ainsi devait donc commencer ma mission...
Visite organisée et tragédies survolées
Les premiers jours passent, lentement, sous la chaleur que nous appelons en France, « canicule » et que les russes appellent « l’été » et sous les glapissements de ces enfants sauvages, qui ressemblent si peu à ces jeunes que j’emmène en colonie de vacances chaque été.
Enfin, vient le jour des renforts et débarquent 2 de mes voisins de Volgograd, dont ma colocataire qui a attrapé une sévère grippe.
Le conseil de guerre de la veille m’ayant interdit de tomber moi aussi sous le joug de la terrible maladie, je suis évacuée par mesure préventive chez une collègue possédant un canapé libre.
Intégration level up !
Quand je dis chez une collègue, je parle en fait de chez ses parents car la jeune fille entre à peine à l’université. En fait, elle a obtenu ce travail grâce aux 3 années qu’elle a passées dans une école aux Etats-Unis.
Me voilà donc comme un cheveu sur la soupe, réfugiée bactériologique, à dormir sur le canapé du salon, à côté de la cheminée avec les photos de toute la famille, de la table avec … les photos de toute la famille et du meuble de télévision avec…. la télévision (what did you expect ?).
Il se trouve que les parents possèdent des parts d’une entreprise de produits biologiques et qu’ils travaillent à domicile dans un bureau aménagé, au rez-de-chaussée. Il va sans dire que, mieux qu’une réunion Tupperware et Stanhome réunis, j’ai eu le droit à la présentation de tous les produits phares de la marque, du dentifrice au shampoing pour cheveux secs à mi-secs en passant par la mousse à récurer et les casseroles pour faire cuire les pâtes sans eau.
A se demander pourquoi les gens meurent encore de faim en Afrique.
Insolite Mission
Ironie mise à part, ces gens ont été tout à fait sympathiques et mon court séjour chez eux reste une pensée agréable au milieu du souvenir d’enfants bruyants et gesticulants d’Astrakhan.
Culture oblige, ils ont décapé leur samovar pour que je puisse boire du thé avec de l’eau traditionnellement bouillie ! De même, j’ai apprécié de me lever le matin en allant cueillir les fraises de mon petit déjeuner, le week-end, ou en mangeant l’omelette au pain de ma collègue. Cependant, la menace bactériologique ayant été évacuée, je dus retourner vivre dans l’appartement avec ma colocataire allemande.
Cet appart’ étaitt pour nous idéal en tous points : une cuisinière à gaz nous permettant de faire cuire des pâtes en moins de 3 heures et demi (oui j’exagère…. un peu… ), pas comme à Volgograd et surtout, une machine à laver ! Luxe duquel nous étions privées depuis janvier, période à laquelle la deuxième et dernière machine de la résidence avait rendu l’âme.
Seul et non négligeable défaut : nous n’avions pas Internet. Enfin non, ça n’était pas le seul et nous n’allions pas tarder à le découvrir : avant qu’il ne se mette à pleuvoir dans la cuisine en fin de séjour, nous avons découvert à nos dépends lors d’une sortie un magnifique samedi ensoleillé que notre clé pour ouvrir la porte de l’immeuble ne fonctionnait plus. Démarre alors une mission de camouflage encore jamais vue : celle de mon accent en russe.
Je suis Bondunov, Ivan Bondunov
Forcées de ne pas sortir pour ne pas devoir re-rentrer le dimanche, nous attendons la réparation de notre clé qui ne sera prête que le lundi soir et que nous ne récupérerons qu’après le travail.
Intitulé de la mission : récupérer la clé
Lieu : chez la Babouchka voisine
Description de la mission :
Appeler la Babouchka par l’interphone pour pénétrer dans l’immeuble puis sonner chez la Babouchka pour récupérer la clé. ATTENTION : à aucun moment elle ne doit s’apercevoir que vous n’êtes pas russes.
Et c’est ainsi que je fis attention à mes paroles et que nous réussîmes la mission, même après que la gentille mamie soit venue sonner à notre porte pour nous dire de toujours fermer la porte à clé et de n’ouvrir la porte à personne la nuit, parce que le précédent locataire a fini en prison et que ses amis viennent parfois semer le désordre.
Si vous voulez vivre votre vie comme dans les jeux vidéo, venez en Russie.
L'ennui des longs couteaux
C’est en s’arrêtant pour manger avant de rentrer à l’appartement un soir de semaine que mon allemande et moi-même avons été sollicitées par deux individus ayant compris que nous étions étrangères et souhaitant nous échanger de la monnaie de France et d’Allemagne.
D’un naturel aimable nous avons trouvé utile de leur préciser que par un curieux tour de passe-passe la France et l’Allemagne possèdent la même monnaie. Leur étonnement fut tel qu’ils me demandèrent à échanger l’unique billet de 10 euros que j’avais sur moi.
Après consultation des cours du rouble, il s’avéra que mon billet valait 620 roubles. Les deux jeunes gens vidèrent donc leurs poches, malheureusement il se trouva qu’ils ne possédaient pas cette somme sur eux.
La logique aurait voulu que l’un d’eux aille au distributeur le plus proche, cependant, pour une obscure raison, ils trouvèrent plus rationnel de tenter de faire l’échange avec une boîte de 3 couteaux de cuisine, qu’ils avaient avec eux car ils les vendent au centre commercial voisin.
Je tentai donc de leur expliquer que j’allais devoir recourir à un tour de magie pour mettre toutes mes affaires actuelles dans ma valise et repartir en France et que des couteaux étaient la dernière chose donc j’avais besoin mais le vendeur aguerri me rétorqua sans se formaliser que je n’avais qu’à les offrir à des amis russes.
Je répondis alors que j’avais plus besoin de mes 10 euros que d’offrir des couteaux à mes amis et le malheureux après avoir insisté partit le cœur brisé.
Ivan Bondunov volume II
Oui mais : s’il était déjà exclu de montrer que nous étions étrangères, risquer de faire comprendre à la propriétaire qu’en plus nous ne restions pas pour toute la durée de location, car d’autres étrangers allaient nous succéder, l’était encore plus. J’ai donc tenté de faire croire à notre aimable voisine que nous partions juste en vacances, achevant ainsi notre dernier séjour à Astrakhan.
C’est donc sur ce challenge accompli que nous prenons un taxi pour nous diriger vers la station routière, découvrant petit à petit que nous rentrerons, non pas en marchroutka… mais dans le plus miteux de tous les bus de voyage.
Youpi !
Visite désorganisée
Voilà pour cette deuxième chronique sur Astrakhan, j'espère que vous ne l'avez pas trouvée redondante ( oui comme le fenouil). Sachez que si je n'ai pas parlé des enfants et de l'éducation à la russe, c'est que j'y consacrerai le prochain sujet.
Bien que je sois rentrée en France depuis quelques semaines maintenant, je vous réserve encore quelques chroniques qui devraient vous faire partienter en attendant mon déménagement vers ma prochaine destination, plus proche cette fois.
Pour ces vacances, je vous propose de prendre un bouquin et de trouver un coin d'ombre. Un peu de musique et l'on est réconcilié avec la vie.
Pas besoin d'hôtel de luxe, ni de festins. Etre avec les gens que l'on aime c'est déjà une fête, peu importe l'endroit, peu importe le confort.